Vallier rencontre: Vanessa Pilon

Vallier rencontre: Vanessa Pilon

L’année 2020 nous en a fait voir de toutes les couleurs. Cette année, notre lieu de rassemblement, c’est dehors. Comme le temps froid s’installe, on habille les artistes de notre nouvelle collection et on met la table à un échange avec comme toile de fond les plus beaux lieux architecturaux de la ville - et dans ce cas-ci, de la campagne. Vallier vous propose un espace de découvertes et de discussion. 


L’animatrice et femme de tête nous ouvre la porte de sa maison extra-muros et nous parle de sa perspective du voyage, de la vie et de ses projets.

Tu es une grande voyageuse, comment vis-tu ces (longs) mois clouée au sol?


J’avais sept voyages de prévus qui sont tombés à l’eau! C’est tout un changement de plan. Plutôt que de ruminer, j’ai repensé à cette phrase de Proust : « Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. » J’ai donc saisi ces derniers mois de sédentarité obligée pour réellement apprendre à connaître le territoire, la nature qui entoure ma maison, et à essayer de regarder le familier avec une curiosité renouvelée. J’ai commencé à identifier les plantes sauvages et les champignons, à cueillir ce qui est comestible et médicinal. J’ai aussi pris du temps pour aller à l’intérieur de moi. C’est cliché, mais plus j’interagis avec la nature, plus ma santé mentale se porte bien. 


Qu’est-ce qui t’interpelle le plus dans le voyage? Est-ce une passion que tu souhaites transmettre à ta fille?


Je crois profondément à la puissance des interactions humaines pour élargir notre perspective. Quand on ne côtoie que des gens qui nous ressemblent, qui évoluent dans des contextes semblables au nôtre, on finit par avoir l’illusion qu’il existe une vérité unique. En rencontrant des gens qui regardent la vie à travers des lunettes complètement différentes des miennes, ça me permet de questionner mes valeurs, mes idées. Ça me rend moins rigide. Et, ultimement, je me rends compte qu’on a tous les mêmes aspirations profondes. Au début, quand je voyageais, je remarquais surtout les différences. Maintenant, je vois ce qui nous unit, ce qu’on a en commun. Et je crois que ça s’applique non seulement au voyage, mais à la vie quotidienne, ici. Je réalise de plus en plus à quel point c’est important de discuter avec des gens qui vivent des réalités différentes à la mienne, et d’écouter, avec humilité. Au-delà de la passion du voyage, j’espère transmettre à ma fille l’ouverture d’esprit, la compassion, et l’adaptabilité.

Il y a quelques années, tu fais le choix de quitter de la ville avec ton amoureux pour vous installer à la campagne, qu’est-ce qui t’a poussé à le faire?


Ça faisait quelques années que je ressentais l’appel, que je savais que la ville ne me convenait plus tant que ça, mais à chaque fois, j’intellectualisais des raisons pour rester: Le travail, la culture, le nightlife, le habitudes, etc. Quand on a su qu’on attendait un enfant, ça nous a donné le courage de passer à l’action. On a visité une seule maison. C’était la nôtre. Je n’ai jamais regretté. C’est un rêve ! C’est tellement fou, l’effet que ça a sur la tête, le cœur, sur le système nerveux, d’avoir accès à la nature, à de l’espace, du calme et de l’horizon.  Je n’ai jamais regretté. Surtout avec le confinement qui se prolonge ! 


Pour beaucoup, la pandémie a mis la vie « normale » sur pause. Tu semblais déjà avoir adopté un rythme plus lent, en retrait, pour te concentrer sur l’essentiel. Que dirais-tu à ceux qui sont pressés de reprendre le rythme d’avant?


Je trouve qu’il y avait beaucoup de non-sens, dans le rythme d’avant : Toujours désirer plus et être plus productif, au détriment de l’environnement et du bien-être d’une grande majorité d’humains sur la planète. Je pense qu’on est tellement pris dans ce système-là, qu’on l’a intériorisé, et que parfois, c’est difficile de discerner si nos aspirations viennent vraiment de notre cœur, ou si on les a héritées de la société de consommation.

J’ai eu la chance d’avoir accès assez tôt dans ma vie à plein de choses associées au succès, pour me rendre compte que ça ne me rendait pas heureuse. Je crois aujourd’hui que le succès ne devrait pas se mesurer à l’argent et la popularité, mais à l’impact positif qu’on a autour de nous. Pour moi, ça se traduit par la communauté, et par la décroissance. C’est un long processus qui demande beaucoup de volonté, parce que c’est encore très à contre-courant et que tout nous pousse à consommer. On a beaucoup d’automatismes à déprogrammer. 

Récemment, tu as pris part au mouvement #womensupportingwomen challenge sur Instagram, une façon d’élever la voix des femmes contre la violence et les féminicides - et d’encourager la solidarité féminine et le positivisme. À quoi devons-nous porter plus attention en tant que communauté?


Ouf. Grosse question. Je crois que, plus que jamais, il est important de voir que, même si on a les meilleures intentions du monde, on a tou.te.s des angles morts. Je crois que c’est le moment de diversifier les voix, et de céder la place aux fxmmes qu’on entend moins.

Je crois aussi qu’il est important de ne pas réduire les luttes féministes à une lutte de pouvoir. Pour moi, la question est davantage de voir comment l’équilibre peut être rétabli, et comment le masculin et le féminin peuvent collaborer, coexister dans leurs essences respectives, au-delà de la binarité des genres. Il faut que tout le monde se sente bienvenu.es dans la discussion, et pour ça, il faut faire attention à ne pas tomber dans cette prétention de détenir la vertu, quand on est soi-disant « woke »,  c’est là que ça dérape, que ça polarise les opinions.

J’ai remarqué que quand on « shame » les gens pour leurs opinions ou leurs actions, ils se raidissent et se campent dans leur position. Plutôt que de permettre le changement, ça le freine. Soyons doux et bienveillants. Évoluons ensemble, pas les un.es contre les autres. 


Qu'est-ce qui inspire ton style vestimentaire?

Les arts visuels, la nature, les costumes de scène, la nostalgie, le futur, les champignons et les dessins de ma fille.

Tu encourages la mode locale. Quelles sont tes bonnes adresses?

Betina Lou, pour son approche collaborative qui fait aussi briller les autres.

Rightful Owner, pour la grandiloquence théâtrale  qui me met en joie.

UNTTLD, pour l’élégance créative.

Denis Ganon, pour son génie qui perdure.

Toutes les friperies, pour l’économie circulaire et les trouvailles uniques.


Qu’est-ce qui est important pour toi quand tu choisis un vêtement?


Premièrement : Je dois trouver ça beau ! Mais pour que la pièce se rende jusqu’à chez moi, la durabilité et le côté éthique de la production sont mes principaux critères. Pour moi, ça se traduit par la qualité des matières, le confort, et la versatilité. Ça, c’est pour 80 % de ma garde-robe. Le reste, ce sont des folies, des trucs inusités, funky, pour lesquels j’ai eu un coup de cœur irrationnel, et que je mettrai juste chez moi, en attendant de trouver la parfaite occasion pour oser. Ça me permet de jouer avec les vêtements, sans prendre ça trop au sérieux.


On peut te voir à l’écran dans ta nouvelle émission Allons boire ailleurs diffusée sur TV5. Tu vas à la rencontre de peuples étrangers pour y découvrir leur culture à travers leurs boissons. Peux-tu nous en parler? Que souhaites-tu que les gens retirent de cette émission?


J’ai tellement été surprise de constater à quel point c’était un sujet riche. Les boissons sont vraiment révélatrices de la culture. Pour moi, cette émission-là est le parfait équilibre entre information et rencontres humaines. Je la trouve pertinente et touchante, divertissante et sérieuse. Je suis vraiment fière du travail qu’on a fait! J’espère qu’en la regardant, les gens en ressortiront avec l’envie d’aborder les autres avec curiosité et ouverture. Quand on s’efforce d’aller au-delà de la conversation en surface, il y a tellement de belles choses qui arrivent.